mercredi 21 janvier 2015

Thamusida : ruines romaines au fil du Sebou

Rappelez-vous, je vous ai déjà parlé de l’oued Sebou, un fleuve aux écailles coruscantes que l’on observait, déroulant ses orbes, glissant silencieusement et s’épanchant à cœur ouvert dans la mer, depuis la kasbah de Mehdya.




Je l’ai retrouvé, bordant de ses méandres un autre site historique. Il s’agit d’une ville maurétanienne, reconstruite ensuite par les Romains autour d’un camp fortifié. Il en reste des témoignages précieux, dispersés sur une vaste étendue d’où l’on surplombe le Sebou et qui n’a pas encore révélé tous ses trésors.

Ce n’est pas évident d’accéder au site. Le guide vert donne un itinéraire valable, sauf que la première étape en est difficile à repérer. Depuis Kénitra, il faut prendre la route de Tanger, en direction de Sidi Allal Tazi. 14 km plus loin, sur la gauche, on passe devant quelques commerces, et notamment la pharmacie « Thamusida ». Bingo ! Il faut bifurquer juste avant et s’engager sur une piste de qualité moyenne. Ensuite, on traverse un pâté de maisons. A un carrefour tridirectionnel, il faut choisir le chemin du centre (ni la gauche, ni la droite, c’est-à-dire que dalle ! – spéciale dédicace à Bayrou), continuer au milieu de champs et prendre à gauche (virage à 90°) une piste plus étroite et dans un état moins favorable aux touristes motorisés. Mais cet itinéraire, nous (l’ami qui m’accompagnait et moi-même) ne l’avons pris qu’au retour, car à l’aller une personne du coin, avec beaucoup de serviabilité, nous a conduits au site par un raccourci. Cet homme, prénommé Bourraba, nous a montré la photo de son père qui a participé en leur temps aux fouilles de Thamusida.

Nous avons garé la voiture au sommet d’une petite colline couronnée d’un marabout griffonné de messages amoureux. Nous avons pénétré dans l’antique cité via une porte gardée par un étrange pan de mur en briques. On voit encore clairement l’infrastructure de cette porte interrompant l’enceinte.

Nous avons fait le grand tour. Plusieurs grands ensembles ont été dégagés, de place en place, et de ci de là, on trouve aussi des excavations mettant à jour des murets, piles, puits…, tous aménagements dont la lisibilité est moins aisée à l’heure actuelle.







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D’abord on trouve un espace carré, avec sur un côté un podium et des escaliers pour y monter. Le guide vert parle d’un praetorium, siège du commandement du camp fortifié. Devant le podium, une pierre présente sur une de ses faces un décor d’écailles, plutôt des feuilles d’acanthes stylisées. Perpendiculairement au podium, subsistent une demi-douzaine de bases de colonnes mo-nu-men-tales, qui supportaient sans doute un majestueux portique ! Sous l’une d’entre elles, on observe une cavité qui semble reliée à un autre conduit (un système en rapport avec l’assainissement ?). Au milieu de tout cela, une place dallée.







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En se promenant le long du Sebou, on tombe nez à nez avec les vestiges des quais de l’ancien port de Thamusida (qui faisait des affaires, d’après le matériel archéologique trouvé in situ, avec plusieurs cités de la côte Atlantique jusqu’au détroit de Gibraltar).







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Plus loin, les thermes, sans doute l’édifice le plus remarquable de Thamusida. On repère un système de chauffage par hypocauste, dans la même salle une niche avec une espèce de table recouverte d’enduit (?), plusieurs absides, des bancs, des pilastres au revers du bâtiment… Des choses intéressantes, des choses mystérieuses, et puis des choses à la fois intéressantes et mystérieuses.







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On longe ensuite une esplanade au fond de laquelle on retrouve des escaliers conduisant à un podium où s’élevaient trois pièces se jouxtant (les trois cellae d’un temple ?).







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Après un petit détour vers quelque chose qui avait tout l’air d’être le centre d’une domus, avec un bassin et quelques bases de colonnes (actualisation : il semble plutôt s’agir du couvrement d’une maison d’époque maurétanienne – sans garantie), nous nous sommes dirigés vers une stèle qui s’élevait, un peu esseulée comme un menhir sur un causse lozérien, à une extrémité de l’enceinte (je ne pense pas que ce soit son emplacement d’origine, mais je ne parierais pas 2 dirhams là-dessus).

  

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A cet endroit, on trouve une zone quadrillée de murets (les restes de casernements s’organisant le long de voies se coupant à angle droit ?). Puis de là nous avons longé l’enceinte, qui par sa composition faisait un peu penser à un mille-feuilles, et regagné la voiture.







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Alors un garçon rentrait ses vaches, des enfants gardaient un troupeau de mouton un bâton dans la main, un homme patientait silencieux dans l’embrasure de la porte du marabout, à proximité de son cheval comme assoupi devant le spectacle empourpré du ciel de la fin du jour.








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Fours de potiers du XIVe s. de Rirha (Sidi Slimane, Maroc)

La mission archéologique de Rirha est codirigée par L. Callegarin (Université de Pau, M. Kbiri Alaoui (INSAP, Rabat) et A. Ichkhakh (Essaouira). Reconnu dès 2004, un premier four de potiers du XIVe s. est implanté sur les ruines d'un pressoir d’une domus antique à proximité d’une porte du rempart oriental de Rirha, bénéficiant ainsi de l’axe économique que constitue la "pénétrante" de la ville.

Dès le départ, le four est constitué de plusieurs parties distinctes : un foyer oblong à l’ouest et une chambre de chauffe légèrement surélevée à l’est et de plan grossièrement quadrangulaire ; cette dernière est surmontée d’une chambre de cuisson. Les parois basses du four ne présentent pas de caractère particulier ; elles sont construites en adobes revêtus d’un enduit argileux grésé. Les différentes strates du comblement montrent, entre des phases de production, des reprises importantes dans la structure en cours d'écroulement : mise en place d'un pilier central et de piliers latéraux non fondés pour soutenir la sole affaissée, réparation répétée de la paroi sud et nord (certaines ont subi peu de cuissons). Le re-creusement du foyer, chaque fois plus profond, semble indiquer le passage à un combustible à plus longue flamme nécessitant d’éloigner le feu des poteries à cuire. Les productions de céramique commune sans revêtement, étudiées par J. Coll et A. Fili sont attribuées au XIVe s., datation confirmée par 14C (Poz-31717 = 605 ± 30 BP soit 1290-1410 à 95%) et par archéomagnétisme (Madrid).

L’abandon du four correspond à l’arrêt de l’atelier puisque les dernières poteries tournées, trouvées au dessus des matériaux dus à l'écroulement, n’ont pas été cuites. La construction médiocre du premier four dégagé et ses réparations non fondées sérieusement, ne se préoccupant pas de la stabilité des parois soumises aux effets répétés de la chaleur, sont-elles la marque d’un artisanat en perte de vitesse ou d’un petit atelier marginal ?

Le dégagement ultérieur de la zone au nord de ce premier four en a révélé un second mais aucune trace des installations de l'atelier dans ce terrain arasé ou au dessus de la domus fouillée dès 1920. Ce deuxième four fait certainement partie du même atelier. Creusées dans les remblais d'abandon de l'huilerie de la domus antique où les fosses médiévales sont nombreuses (zone marginale de l'habitat), ses parties inférieures, comparables au premier four, n'ont pas fait l'objet du chemisage d'adobe traditionnel. Les parois chauffées se sont tassées (remblais hétérogènes) entraînant une large faille, cuite également car on n'a pas pris soin de la boucher. Le comblement garde le souvenir des productions mais aussi du combustible identifié par M.-P. Ruas (surtout graines, tiges et racines de graminées; légumineuses, plantes sauvages et coprolithes de mouton/chèvre). Comme l’abandon de ce dernier comportait des poteries tournées et non cuites, ce deuxième four peut être considéré comme l’ultime four employé dans cet atelier.

D'autres traces d'artisanat de la poterie ont été approchées pendant cette deuxième campagne de fouille dans la partie sud du site : un four à proximité de la domus sud, très arasé, semble être du même type que les précédents. La présence de plusieurs sépultures récentes a sérieusement perturbé cette structure et son comblement ; elles n'ont pas permis une étude plus poussée. Si peu de fours ont été dégagés au Maghreb, les études ethnologiques y sont nombreuses. Le four du XIVe siècle de Targha au Maroc (Bazzana 1990) présente une certaine analogie avec le four de Rirha.

  • http://la3m.cnrs.fr/pages/recherche/axes/axe-3/A3_Prog2/FA-Rirha/galerie_Rirha/Imagette/RHA08phfour_100.jpg