Rappelez-vous,
je vous ai déjà parlé de l’oued Sebou, un fleuve aux écailles coruscantes que
l’on observait, déroulant ses orbes, glissant silencieusement et s’épanchant à
cœur ouvert dans la mer, depuis la kasbah de Mehdya.
Je l’ai
retrouvé, bordant de ses méandres un autre site historique. Il s’agit d’une
ville maurétanienne, reconstruite ensuite par les Romains autour d’un camp
fortifié. Il en reste des témoignages précieux, dispersés sur une vaste étendue
d’où l’on surplombe le Sebou et qui n’a pas encore révélé tous ses trésors.
Ce n’est pas
évident d’accéder au site. Le guide vert donne un itinéraire valable, sauf que
la première étape en est difficile à repérer. Depuis Kénitra, il faut prendre
la route de Tanger, en direction de Sidi Allal Tazi. 14 km plus loin, sur la
gauche, on passe devant quelques commerces, et notamment la pharmacie
« Thamusida ». Bingo ! Il faut bifurquer juste avant et
s’engager sur une piste de qualité moyenne. Ensuite, on traverse un pâté de
maisons. A un carrefour tridirectionnel, il faut choisir le chemin du centre
(ni la gauche, ni la droite, c’est-à-dire que dalle ! – spéciale
dédicace à Bayrou), continuer au milieu de champs et prendre à gauche (virage à
90°) une piste plus étroite et dans un état moins favorable aux touristes
motorisés. Mais cet itinéraire, nous (l’ami qui m’accompagnait et moi-même) ne
l’avons pris qu’au retour, car à l’aller une personne du coin, avec beaucoup de
serviabilité, nous a conduits au site par un raccourci. Cet homme, prénommé
Bourraba, nous a montré la photo de son père qui a participé en leur temps aux
fouilles de Thamusida.
Nous avons
garé la voiture au sommet d’une petite colline couronnée d’un marabout
griffonné de messages amoureux. Nous avons pénétré dans l’antique cité via une
porte gardée par un étrange pan de mur en briques. On voit encore clairement
l’infrastructure de cette porte interrompant l’enceinte.
Nous avons
fait le grand tour. Plusieurs grands ensembles ont été dégagés, de place en
place, et de ci de là, on trouve aussi des excavations mettant à jour des
murets, piles, puits…, tous aménagements dont la lisibilité est moins aisée à
l’heure actuelle.
D’abord on
trouve un espace carré, avec sur un côté un podium et des escaliers pour y
monter. Le guide vert parle d’un praetorium, siège du commandement du
camp fortifié. Devant le podium, une pierre présente sur une de ses faces un
décor d’écailles, plutôt des feuilles d’acanthes stylisées. Perpendiculairement
au podium, subsistent une demi-douzaine de bases de colonnes mo-nu-men-tales,
qui supportaient sans doute un majestueux portique ! Sous l’une d’entre
elles, on observe une cavité qui semble reliée à un autre conduit (un système
en rapport avec l’assainissement ?). Au milieu de tout cela, une
place dallée.
En se
promenant le long du Sebou, on tombe nez à nez avec les vestiges des quais de
l’ancien port de Thamusida (qui faisait des affaires, d’après le matériel
archéologique trouvé in situ, avec plusieurs cités de la côte
Atlantique jusqu’au détroit de Gibraltar).
Plus loin,
les thermes, sans doute l’édifice le plus remarquable de Thamusida. On repère
un système de chauffage par hypocauste, dans la même salle une niche avec une
espèce de table recouverte d’enduit (?), plusieurs absides, des bancs, des
pilastres au revers du bâtiment… Des choses intéressantes, des choses
mystérieuses, et puis des choses à la fois intéressantes et mystérieuses.
On longe
ensuite une esplanade au fond de laquelle on retrouve des escaliers conduisant
à un podium où s’élevaient trois pièces se jouxtant (les trois cellae
d’un temple ?).
Après un
petit détour vers quelque chose qui avait tout l’air d’être le centre d’une domus,
avec un bassin et quelques bases de colonnes (actualisation : il semble plutôt
s’agir du couvrement d’une maison d’époque maurétanienne – sans garantie), nous
nous sommes dirigés vers une stèle qui s’élevait, un peu esseulée
comme un menhir sur un causse lozérien, à une extrémité de l’enceinte (je ne
pense pas que ce soit son emplacement d’origine, mais je ne parierais pas 2
dirhams là-dessus).
A cet
endroit, on trouve une zone quadrillée de murets (les restes de casernements
s’organisant le long de voies se coupant à angle droit ?). Puis de là nous
avons longé l’enceinte, qui par sa composition faisait un peu penser à un
mille-feuilles, et regagné la voiture.
Alors un
garçon rentrait ses vaches, des enfants gardaient un troupeau de mouton un
bâton dans la main, un homme patientait silencieux dans l’embrasure de la porte
du marabout, à proximité de son cheval comme assoupi devant le spectacle
empourpré du ciel de la fin du jour.